Le tatouage et la gestion de la douleur

Lorsqu’on parle de tatouage, arrive souvent la question fatidique: « est-ce que cela fait ma l? » La réponse à cette question n’est pas simple et mérite que l’on s’y attarde un peu.

De prime abord, je répondrai oui, cela fait mal. Plus ou moins mal, voire parfois presque pas. Parfois cela peut même être presque agréable. Parfois certain(e)s s’endorment. Et parfois c’est à la limite du supportable. Je m’explique.

Chaque personne est différente et chaque zone du corps est différente. Un pied sera toujours plus douloureux au tatouage qu’un biceps, mais d’une personne à l’autre l’intensité et la nature de la sensation du tatouage variera. Le corps humain qui est décidément tellement bien fait, a aussi prévu ce qu’il faut pour nous aider dans la difficulté.

Les endorphines

Le tatouage est comparable à une écorchure, une piqûre, une griffure. Il rappelle aussi une sensation de brûlure. Notre corps a tout prévu pour nous aider à traverser les épreuves douloureuses, en sécrétant des endorphines lorsque nous en avons besoin et sur les zones qui en ont besoin.

Les endorphines sont des molécules pareilles à de la morphine, mais d’origine endogène, c’est-à-dire sécrétées par notre propre corps pour nous anesthésier. Notre corps sait les fabriquer lorsque nous nous blessons ou lorsque nous faisons des efforts pénibles ( comme des séances intensives de sport ). Elles nous aident à traverser l’épreuve avec plus de facilité. Elles ont également un effet euphorisant. C’est ainsi que les quinze à vingt premières minutes d’une séance de tatouage peuvent paraître plus ou moins douloureuses, et par la suite sous les effets des endorphines, on s’habitue. Après cette phase d’adaptation, et pendant un temps plus ou moins long selon notre condition physique et mentale, le tatouage peut même devenir agréable à expérimenter. Si la séance dure au-delà de nos capacités à produire ces endorphines, la douleur redevient présente.

Les zones du corps

D’une manière générale les zones où l’on a du gras et/ou du muscle sont moins sensibles que les articulations ( coté extérieur et intérieur ) et que les zones où les os et/ou les tendons affleurent sous la peau.

Ainsi un dessus de cuisse ( quadriceps ) sera moins sensible qu’on genou, un mollet qu’un intérieur de poignet . La zone sous-costale, abdominale ( flancs y compris ) et pectorale est souvent particulièrement sensible. Les mains, pieds et chevilles sont souvent sensibles. Là où la peau est plus épaisse on a également moins de sensibilité. Par exemple l’extérieur d’un bras ou d’une jambe sera moins sensible que l’intérieur où la peau est bien plus fine. Le dos est une zone particulière. La peau est généralement épaisse, et bien que n’ayant ni tendons ou articulations directement sous-jacents, il peut s’avérer souvent être difficile au ressenti. Cela dépend grandement de la santé de votre dos. La colonne vertébrale contient la moelle épinière qui se ramifie en d’innombrables nerfs qui vont eux-mêmes se ramifier et rejoindre toutes les zones du corps. Si votre colonne vertébrale présente des zones de faiblesses ou de pathologies ( tassements, hernies, etc…) ou si votre dos est rempli de tensions musculosquelettiques dues au stress, au travail, etc… vous aurez une sensibilité accrue à la douleur du tatouage. Cela m’amène à parler de l’état général de votre corps.

L’état général de santé de la personne

L’effraction cutanée que représente le tatouage ( piqûres rapides et répétées dans le derme pendant un temps plus ou moins long ) va créer une réaction d’inflammation cutanée qui est normale. Cependant si pour une quelconque raison votre corps ou la zone de votre corps qui est à tatouer est déjà en état inflammatoire, la perception de la douleur sera accrue.

Ainsi si vous avez une épaule qui souffre de douleurs articulaires pour une quelconque raison, le tatouage de cette épaule sera probablement difficile à supporter. La durée de la séance que l’on pourra supporter dépend de notre état général. On dit toujours qu’il faut venir en forme et reposé pour se faire tatouer justement pour bien vivre la séance. La fatigue rendant toute épreuve ou expérience toujours plus pénible. Pour les dames, il convient également de remarquer que la période des menstruations rend plus réceptive à la douleur.

Le degré de stress ou de détente de la personne

Quelques réflexions sur la gestion de la douleur. De nombreuses personnes stressent avant leur séance, même si elles sont impatientes ou heureuse que le jour J soit enfin arrivé. Il est normal d’avoir une forme d’appréhension et de stresser un peu, et même lorsqu’on s’est déjà fait souvent tatouer cela peut arriver. L’aspect mental est ici d’une grande importance. Il convient de toujours positiver, de ne pas se répéter sans cesse que « cela va faire mal » car ce type de pensées sont de véritables injonctions pour notre subconscient.

Je sais par expérience que plus on utilise de techniques de détente avant et pendant la séance mieux cela se passe. La focalisation sur la respiration, le calme intérieur, et placer son mental sur quelque chose d’agréable (pensée, souvenir, motivation par rapport au tatouage, musique, etc… ) permet de transformer son ressenti de manière positive. Les techniques de sophrologie voire d’auto-hypnoses sont remarquablement efficaces. Il faut savoir s’abandonner au processus. Le conditionnement mental que vous adopterez fera la différence.

Pour conclure ce petit article non exhaustif sur tout ce que peut évoquer la notion de douleur et de rapport au corps et au mental, je dirais qu'il y a dans le processus du tatouage une part initiatique de confrontation avec nous-même et avec notre douleur et notre nature humaine. Notre monde moderne pétri de confort et de facilité nous a fait oublier cette dimension de difficulté et d’endurance qu’il est nécessaire d’apprivoiser dans la vie. L’art ancestral du tatouage nous permet de retrouver ce chemin de connaissance et de maîtrise de soi.

 

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